- 06/07/2020
- Envoyé par : a.bennani
- Catégorie : Non classé
Refondre son système de classification est énergivore et potentiellement source de tensions avec les IRP.
Considérant la durée moyenne des travaux et discussions nécessaires, nombre d’entreprises préfèrent ajourner la nécessaire actualisation de leur système de classification. Pourtant il est plus simple d’actualiser à la marge plutôt que de s’atteler à une refonte en profondeur.
Comment s’organiser pour dépassionner les réflexions sur ce sujet sensible,
gagner en pertinence tout en y consacrant moins de temps.
Réviser son système de classification : une opération à fort enjeux
Quelle est la finalité d’un système de classification : constituer des groupes homogènes d’emplois (des classes) au regard du poids des responsabilités qu’ils assument au sein d’une organisation.
Garantir l’équité et la rationalité dans le positionnement relatif des emplois : telle est l’ambition première d’un système de classification efficace. Parce que le niveau de classification d’un emploi conditionne directement le niveau auquel il sera rétribué et les pratiques de développement RH qui lui seront appliquées. L’enjeu est tel qu’il suscite beaucoup d’attentes et quelques hésitations quant à la manière d’organiser ce chantier.
La classification : un levier primordial de compétitivité
Les difficultés actuelles liées à l’atonie économique rehaussent encore l’importance du système de classification.
Chaque entreprise lutte aujourd’hui au mieux pour son expansion, au pire pour sa survie en actionnant 4 leviers de compétitivité : l’innovation, les coûts, la qualité de service, l’image et la réputation.
Le système de classification se doit de supporter cet effort de compétitivité :
- en valorisant l’innovation et l’orientation client, à la fois dans les descriptifs d’emploi et dans les critères classants
- en jetant les bases d’un système de rémunération qui, grâce à l’équité et à la différenciation, permettra de maîtriser l’évolution de la Masse salariale
- en traçant pour chaque collaborateur des perspectives d’évolution professionnelle, ce qui renforcera l’attractivité de votre entreprise sur le marché et sa Marque Employeur.
La classification de vos emplois doit être un phare pour chacune de vos Directions internes, un guide pour appréhender l’évolution des métiers et des expertises qui concourent à leur compétitivité et à leur performance opérationnelle.
Certaines entreprises ont beaucoup investi sur la prospective et ont développé un regard prospectif très aiguisé sur les tendances macro-économiques, sur l’impact des nouvelles technologies, sur l’évolution des conditions d’exercice des métiers. D’autres entreprises ont beaucoup moins investies et se trouvent relativement démunies pour se projeter dans les organisations et les métiers de demain.
Heureusement, les Observatoires de Branche des métiers, des emplois et des compétences fournissent une nouvelle visibilité sur ces mutations incontournables et font percevoir l’actualisation des systèmes de classification comme encore plus indispensable.
Actualiser le système de classification des emplois : de quoi parlons-nous ?
Actualiser son système de classification n’est pas forcément synonyme de travaux d’Hercule.
Le projet peut se cantonner à la révision des minimas salariaux mais il incite bien sûr à conduire une actualisation plus approfondie en explorant les améliorations susceptibles d’être apportées à l’instrument de pesée des emplois (mise à niveau de la liste des critères classants et des attendus professionnels qui serviront à jauger le poids d’un emploi), à la description des emplois, au repérage des emplois et des expertises nouvelles, à la prospective métier.
Il importe simplement de définir précisément le contour de son projet puis d’en dérouler logiquement les étapes (sachant que comme chacun sait : un escalier se balaie en partant du haut).
La classification : un socle de cohérence pour toutes les autres pratiques RH
Actualiser son système de classification est bénéfique à plus d’un titre. Cela permet :
- d’aligner les critères classants et les méthodes de pesée sur les priorités stratégiques de l’entreprise
- de prendre en considération l’évolution des métiers (par exemple, la transformation digitale,…), les nouvelles compétences indispensables
- d’établir le lien avec les stratégies sectorielles de formation (positionnement des CQP, par exemple) et les modalités de Valorisation des Acquis de l’Expérience
- de réajuster les minimas salariaux pour assurer une progression salariale cohérente entre les niveaux successifs de classification et choisir un positionnement marché attractif et cohérent par rapport à d’autres secteurs d’activité qui recherchent les mêmes profils que vous
- de déterminer les avantages sociaux attribués selon le niveau de classification
- et enfin de fournir un cadre de cohérence pour toutes les politiques et pratiques de management des ressources humaines :
- la gestion des rémunérations dont les principes directeurs sur l’équité, la différenciation, la compétitivité externe doivent être cohérents avec les fondements de la classification
- l’appréciation des performances individuelles et collectives : les critères classants donnent une excellente vision de la progression des attendus professionnels à chaque niveau de séniorité. Ce qui permet d’apprécier le degré de maîtrise (de « tenue ») de l’emploi et de fixer des objectifs pertinents (dans leur contenu) et justes (dans leur niveau de complexité)
- la gestion des compétences
- la gestion des carrières et des parcours professionnels
- la gestion de la formation en appui à la progression sur chaque compétence requise
- le recrutement pour veiller au respect des exigences définies dans la classification à chaque niveau de séniorité
- En laissant un système de classification devenir obsolète ou inusité, on se prive d’un instrument qui favorise l’innovation RH ou au moins l’harmonisation interne des pratiques RH.
Un accord : au terme de (très) longues discussions
Une enquête récente réalisée par AOPS Conseil auprès de 80 branches professionnelles françaises montre que la révision d’un système de classification (conventionnel et d’entreprise) est vue comme une opération de longue haleine, certes importante mais non urgente. Il en résulte que 45% des systèmes en vigueur aujourd’hui ont plus de 10 ans et surtout que presque un tiers d’entre eux (28%) ont plus de 20 ans.
En 20 ans, que de métiers ont pratiquement disparus et combien les pratiques professionnelles ont changé, sans parler de l’émergence de nouvelles technologies, de nouveaux modes d’organisation, de nouvelles pratiques de management.
Le risque encouru est de voir les entreprises se détourner de systèmes de classification frappés d’obsolescence ou qui, pour le moins, ne reflètent plus vraiment une réalité très évolutive. Les entreprises qui doivent absorber au pas de charge des innovations dans tous leurs métiers finissent par considérer ces systèmes figés davantage comme une contrainte que comme une aide quotidienne pour attirer, retenir et développer leurs meilleurs talents.
Les nombreux composants d’un système de classification
Engager une réflexion sur le système de classification exige d’en avoir une vision holistique. Il s’agit de travailler sur chacun de ses composants, c’est à dire :
- porter un regard prospectif sur les facteurs d’évolution des métiers
- structurer le Référentiel des Emplois et des Compétences en choisissant les filières professionnelles (cœur de métier et support) qui ont le plus de sens pour votre entreprise
- choisir la maille d’analyse appropriée pour décrire les emplois : trop fine elle gênerait les managers (avec un contenu trop spécifique), trop large elle ne serait utile à personne (avec des emplois trop génériques).
- lister et décrire les emplois et les compétences puis les profils de compétences
- choisir la méthode de pesée des emplois (globale, critérielle, descriptive)
- choisir les critères classants qui ont le plus de sens aujourd’hui pour vous
- décrire les attendus exigibles à chaque niveau de séniorité et surtout veiller à la progressivité des exigences
- animer les comités de cotation au cours desquels sera positionné chaque emploi au sein du nouveau système
- établir les règles de migration du système actuel vers le nouveau système
- veiller à l’articulation entre le nouveau système de classification de l’entreprise et le système conventionnel (en particulier le lien avec les dispositions conventionnelles qui régissent dans la CCN l’évolution des salaires de base, des primes, des indemnités, avantages sociaux et autres éléments de rétribution).
Des composants à pérennité … variable et écourtée
Un système de classification n’est pas un monolithe. Certains éléments sont durables, d’autres plus évolutifs.
Composants durables |
Composants évolutifs |
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Autant il paraît envisageable de maintenir inchangés pendant plusieurs années les composants durables, autant il est déraisonnable de ne pas lancer une actualisation régulière des composants les plus évolutifs. Surtout lorsque l’on considère le besoin d’agilité de nos entreprises, le rythme actuel des changements en particulier dans l’intégration des nouvelles technologies et dans les conditions d’exercice des métiers.
L’intérêt d’une refonte en profondeur
Quels sont les bénéfices d’une approche consistant à revoir en profondeur le système de classification au bout de quelques années. Passé ce délai, il est probable qu’un consensus s’installe aisément sur la nécessité de faire évoluer le système voire de faire table rase.
Aller au-delà d’un simple toilettage permet de reconcevoir un système plus en ligne avec les évolutions sectorielles, les orientations stratégiques partagées, les nouvelles expertises. Cette remise en cause radicale du système existant est accessible au prix d’une réflexion longue et parfois conflictuelle.
Par ailleurs, construire un système censé durer – sans modification – 10 ou plus n’incite pas à expérimenter des approches novatrices mais plutôt à miser sur la durabilité et la robustesse des approches plus traditionnelles.
Désacraliser la thématique « Classification »
Même si la révision d’un système de classification est porteuse d’enjeux considérables – comme vu précédemment – il convient d’examiner isolément chaque élément qui le compose et d’envisager sereinement la façon la plus simple de l’actualiser. Au final, le nouveau système se construit ou s’actualise naturellement, collégialement, étape par étape depuis la mise à niveau du référentiel d’emplois jusqu’à la cotation en passant par la mise à jour des descriptifs des critères classants.
Instaurer une dynamique d’actualisation continue
Il semble préférable d’actualiser (à la marge) ce système fondateur chaque année afin de réduire l’effort de remise en cause et la charge de travail et surtout de disposer en permanence d’un système de classification qui colle à vos réalités économiques et à vos priorités stratégiques.
Quelques séances de travail régulières devraient suffire pour maintenir à jour les descriptifs d’emplois, la description des critères classants, les positionnements respectifs des emplois, les répercussions sur le système de rémunération et sur l’attribution des avantages sociaux.
Articuler le système de classification de l’entreprise avec le système conventionnel (s’ils diffèrent)
Les entreprises qui ne se sont pas contentées d’adopter – sans le modifier – le système de classification conventionnel doivent simplement vérifier que leur système interne reste cohérent, année après année, avec les principes directeurs de conception du système conventionnel et de ses derniers ajustements.
Cet effort annuel minime est suffisant pour que votre système de classification demeure le point de référence interne et reste perçu comme un système à la pointe et une « cible de convergence RH ».
Mieux vaut un effort continu d’adaptation qu’un « Everest » décennal à gravir.
Bernard MERCIER
EXPEHRIS