Faire mieux avec moins, est-ce encore possible pour la Fonction RH ?

Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui ne doit plus du tout être fait (Peter Drücker)

 

Préserver la compétitivité est primordiale dans cette période de redémarrage de l’activité post COVID-19.

La compétitivité par l’efficience

Ensuite la seconde priorité est une vigilance accrue sur les coûts.

La recherche d’économies est synonyme aujourd’hui d’optimisation de l’usage de la technologie : digitalisation, robotisation, Big Data, IoT, blockchain, deep learning.

Des économies sont également recherchées dans la mise en place de nouvelles formes d’organisation : réduction du nombre de strates hiérarchiques, autonomie et capacités de décision renforcées pour ne pas avoir à attendre des décisions / arbitrages longs à venir et qui immobilisent ou ralentissent la production, polyvalence et capacités de maintenance intégrées afin de limiter les dépendances à l’égard d’autres pouvoirs que l’on ne contrôle pas.

Une troisième voie consiste à adopter de nouvelles pratiques managériales qui favorisent la réactivité, la coopération, le partage, la solidarité, la transparence, l’engagement individuel, la professionnalisation continue.

Parvenir à réaliser les économies annoncées est un challenge quotidien.

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, la clé du succès réside dans la qualité de l’exécution. Et la DRH n’est pas exonérée de devoir satisfaire ces exigences d’efficience.

Comment la Fonction RH peut-elle parvenir à faire mieux tout en voyant ses ressources réduites (ou au mieux à moyens constants) ? Comment engager au sein de la Fonction RH une démarche d’optimisation continue (d’amélioration continue des prestations fournies et de l’Expérience Collaborateur) et concomitamment une recherche d’économies (en harmonisant, en simplifiant, en automatisant).

Optimiser les dépenses

Les leviers pour optimiser les dépenses sont nombreux :

  1. Différencier, Investir utile
    Vu le poids de la dépense en frais de personnel, contenir la Masse Salariale est devenu un enjeu RH majeur : orienter les dépenses sociales vers les dispositifs les plus efficaces en termes de reconnaissance et d’engagement (rémunération variable, éléments de rétribution non pécuniaire, efforts financiers ciblés sur les populations les plus critiques)
    → Pratiquer la modération salariale et investir davantage de façon ciblée vers des populations choisies et des dispositifs efficaces en motivation
  2. Être plus sélectif
    Pour dépenser moins, réduire le nombre d’éligibles à une AI, à un bonus ou à une récompense non monétaire.  Être plus exigeant au moment des évaluations annuelles (objectifs individuels fixés et niveaux de réalisation atteints) et des feedbacks, au moment de la détection du potentiel et de la constitution des viviers. Relever les seuils de déclenchement de l’attribution de la rémunération variable        
    → Restreindre la population des bénéficiaires en appliquant des normes de performance plus difficiles à atteindre
  3. Hausser les niveaux d’exigence
    En amont du processus d’évaluation, relever les niveaux d’exigence dans les critères classants, les descriptifs d’emploi, les profils de compétences
    → Relever régulièrement les niveaux d’exigence pour intégrer de nouveaux savoir-faire moins accessibles
  4. Reconnaître sans rémunérer
    La première et unique récompense activée est souvent monétaire (primes / révisions du salaire de base).
    Les récompenses non monétaires sont un levier de motivation plus efficace, à l’effet plus durable.
    → Activer plutôt des marques de reconnaissance, gratifications personnalisées, mises en situation de prise de responsabilités temporaires mais qui donnent de la visibilité, ….
  5. Activer tous les leviers de rétribution
    Envisager la rétribution au sens large plutôt que la rémunération au sens strict. Être créatif pour trouver ce qui fera à la fois plaisir et qui fera progresser (penser développement professionnel à long terme en choisissant les leviers appropriés).
    → Diversifier les récompenses plutôt qu’avoir recours à des augmentations (surtout lorsque les conditions économiques sont défavorables)
  6. Ouvrir des perspectives mais ralentir les progressions
    Donner les moyens de progresser en compétences, en responsabilités et au final en salaire, progressivement, au fil des ans.
    Appréhender des métiers nouveaux au sein de l’entreprise (mobilités horizontales vers d’autres filières).
    → Faire ces paris de reconversion fidélise, et les mobilités horizontales peuvent se faire sans révision salariale
  7. Temporiser et si besoin alléger
    Dans les situations les plus difficiles, lorsque les carnets de commandes ne permettent plus de justifier le niveau actuel des effectifs, des solutions radicales, de dernier ressort doivent être envisagées : arrêts des contrats d’intérim et des contrats à durée déterminée, des contrats d’apprentissage, simple report ou gel complet des recrutements, non remplacement ou remplacement partiel des départs naturels, anticipation des départs et cessations partielles d’activité, redéploiements vers des activités en meilleure santé, négociation d’accords sous condition de maintien de l’emploi (APC) voire Plans de Sauvegarde de l’Emploi qui s’accompagnent de suppressions de postes ou de postes inoccupés, laissés vacants sur longue période.
    Ces solutions de survie présentent des risques (des trous très préjudiciables à long terme dans la pyramide des âges si les blocages perdurent) mais également des bénéfices liés à un effet direct et souvent significatif sur la Masse Salariale.
    Il convient cependant de ne pas sous-estimer l’ampleur des effets délétères durables sur le niveau d’engagement de ceux qui restent.
    Une autre solution, peu élégante bien que très prisée dans certains secteurs d’activité, organise des effets de noria en accélérant le départ des seniors au bénéfice de collaborateurs juniors. La cohésion intergénérationnelle est moins garantie que l’allègement mécanique de la Masse Salariale. Et ces pratiques, compréhensibles en période de crise grave engendrent un tel gâchis de compétences et le sabordage de toute une génération.          
    → Réduire temporairement et de façon ciblée les effectifs et les charges sociales afférentes afin de passer un cap difficile. S’amputer pour survivre.

« L’économie n’est pas une qualité qui brille, mais elle est solide, et elle tient un honnête milieu entre l’avarice et la prodigalité »

Renforcer la qualité des prestations RH

Les leviers pour améliorer les pratiques RH en vigueur sans avoir à investir massivement sont également nombreux.

Il existe en effet plusieurs domaines dans lesquels la Performance RH peut être bonifiée :

 

  1. Réussir la déclinaison RH de la stratégie Business
    Ajuster la politique et les pratiques RH aux dernières inflexions stratégiques – Accompagner les projets internes de transformation et des grandes ruptures de l’environnement (développement du numérique, du big data, de l’économie collaborative, de l’open innovation, des nouvelles régulations, de la RSE,…)
    → Pour une Fonction RH au service de l’agilité (en véritable Business Partner), en soutien au déploiement des nouvelles priorités stratégiques et au service de leur réussite)
  2. Mesurer le ROI des projets RH, des innovations introduites
    Optimiser la gamme des services RH en évaluant en continu leur effet. Expérimenter de nouvelles pratiques. Aider les managers à s’approprier les pratiques RH.     
    → Mesurer les gains quantitatifs et apprécier les bénéfices qualitatifs visibles pour justifier de nouveaux investissements RH
  3. Harmoniser les pratiques Rh des managers
    Apporter un soutien de proximité plus marqué aux managers-relais de la Fonction RH auprès des collaborateurs. Aider chaque manager à s’approprier les innovations RH et à convaincre pour plus d’équité et une cohésion et un engagement renforcés
    → Rechercher, formaliser et diffuser largement les meilleures pratiques managériales qui valorisent et bonifient les pratiques RH
  4. Solliciter le Top Management
    Avec le Top Management, expliciter les priorités stratégiques et les compétences à développer, les nouveaux critères de performance et de potentiel à détecter et à valoriser. Veiller à la cohérence entre les paroles et les actes.
    → Parier sur l’authenticité, la sincérité des engagements RH et sur le fait de tout faire pour les tenir
  5. Diversifier les expériences
    Donner de la visibilité à chaque collaborateur sur comment progresser en compétences puis en responsabilités sur un parcours professionnel personnalisé. Le préparer à exercer plusieurs métiers au cours de sa carrière. Cultiver l’agilité grâce aux moyens mobilisés au service de l’employabilité.
    → Faire reconnaitre les exigences spécifiques de chaque métier, les contraintes incontournables des métiers qui doivent co-opérer
  6. Susciter l’adhésion à une vision, à un projet
    Cet idéal est conditionné à de nombreux facteurs :

    • que la vision soit en ligne avec des préoccupations sociétales et des valeurs auxquelles les collaborateurs accordent beaucoup de prix (défense de l’environnement, sécurité sanitaire, justice sociale, solidarité, autonomie, transparence, exemplarité, confiance, respect, bienveillance, exigence, excellence, reconnaissance, équité, …),
    • qu’elle soit structurée et formulée de telle sorte que chaque collaborateur y trouve du sens dans son propre emploi,
    • qu’elle soit déclinée en objectifs et en projets qui la concrétise,
    • que chaque équipe, chaque collaborateur s’en empare et la porte, la fasse vivre dans ses engagements et dans ses coopérations,
    • qu’une communication continue s’organise en transparence sur toutes les avancées, les réussites qui s’inscrivent dans cette vision et surtout
    • que les actes s’accordent avec les discours, en toute authenticité.
      → Embarquer toute la communauté humaine de l’entreprise dans un projet crédible dont chaque collaborateur porte l’ambition et se sente un acteur engagé
  7. Promouvoir la Marque Employeur
    Le Marketing RH et la promotion de la Marque Employeur est un domaine dans lequel il est toujours souhaitable de faire mieux.
    Les efforts de pédagogie interne et de communication externe pour expliquer l’esprit des politiques RH et en quoi, concrètement, elles diffèrent des pratiques dominantes du marché permettent de valoriser l’action interne de la Fonction RH et surtout de se démarquer de la concurrence, de gagner en visibilité et en attractivité.
    En mettant en exergue les pratiques RH les plus innovantes, ces efforts permettent de retenir les meilleurs talents et d’en attirer de nouveaux. Ils permettent en outre de démontrer la cohérence du Système intégré de Management RH et de rehausser l’image d’Employeur de Référence de l’entreprise.      
    → Forger une identité RH originale, en ligne avec la raison d’être choisie, avec la culture d’entreprise, avec les valeurs partagées, avec les priorités stratégiques du moment.
  8. Tenir la « Promesse Employeur »
    Voici un domaine RH où l’optimisation continue peut se révéler extrêmement importante pour retenir les meilleurs talents et préserver leur engagement.
    Nous passons un « deal » (plus ou moins explicite, selon les entreprises) avec chaque personne qui décide de rejoindre  notre entreprise : un équilibre – qui convient aux deux parties – est trouvé entre droits et devoirs réciproques, entre obligations faites au collaborateur et contreparties apportées par l’entreprise.
    Ce contrat ne doit pas être rompu. La « Promesse Employeur » énoncée en entretien de recrutement et répétée en cours d’intégration doit être tenue, d’abord par la DRH puis par les relais RH que sont les managers de proximité, sous peine de voir la confiance s’effriter et le désengagement s’amorcer.
    → Préserver en tous points la cohérence entre les actes et les paroles.
    Veiller à ce que les pratiques quotidiennes RH soient parfaitement alignées avec les annonces, avec les politiques RH communiquées. Veiller à leur équité d’application partout au sein de l’entreprise, en apportant tout le soutien nécessaire aux managers.                                

 

En synthèse, dans cette quête à une excellence frugale, les enjeux peuvent s’exprimer ainsi :

  • Tendre vers des modes de fonctionnement plus sobres en ressources
  • Optimiser l’utilisation des meilleures compétences et des plus rares
  • Segmenter et personnaliser les services RH fournis (one size doesn’t fit all)
  • Éliminer le superflu pour être collectivement plus réactifs, plus agiles
  • Tirer pleinement parti de la digitalisation de la Fonction RH
  • Utiliser tout le potentiel des nouvelles technologies (du Big Data, de l’IA pour des analyses prédictives)
  • Améliorer la valeur d’usage des SI (co-conception et aide à l’appropriation des fonctionnalités les plus abouties, les plus complexes)
  • Améliorer la complémentarité entre les intelligences humaines et artificielles

Pour répondre à ces enjeux, une approche RH possible consiste à :

  • Différencier davantage les progressions salariales (Top Contributeurs & Top Performers)
  • Variabiliser la rémunération
  • Passer de la rémunération à la rétribution
  • Construire de nouveaux mix entre récompenses personnalisées non monétaires (adaptées au profil des collaborateurs et à la nature de leur contribution) et progressions salariales (fixe et variable)
  • Renforcer la valorisation du mérite et de la performance
  • Aider chacun à préserver son employabilité et cibler les efforts d’accompagnement sur les ressources critiques (sans nuire à la cohésion)
  • Renforcer l’autonomie de squads responsabilisées, composites, évolutives en fonction des challenges à relever
  • Responsabiliser de bout en bout les process-owners
  • Poursuivre l’automatisation et améliorer l’utilisation des SI

 

Face à la période délicate que nous allons devoir traverser, la tentation est grande d’engager des plans d’économies drastiques. Pour nécessaires qu’ils soient – surtout si la survie est en jeu – ces économies ne doivent pas altérer le potentiel humain de l’entreprise et inciter les meilleurs éléments à partir, ceux-là mêmes qui seront le plus utiles pour tenir le cap, piloter le rebond et mettre en place les dispositifs de résilience.

Un point de vigilance majeure pour une Fonction RH sollicitée pour tirer le meilleur des collaborateurs sur le pont.

 

Bernard MERCIER

EXPEHRIS

bernard.mercier@expehris.com

 

Le désir est signe de guérison ou d’amélioration (Friedrich Nietzsche)

 

Retrouvez ici notre démarche globale de renforcement de la résilience